Ste-Catherine-de-la-J-C, 27 mars 2020

 

Petite Réflexion 1

Situation irréelle, cauchemardesque, presque pire que dans tous les scénarios de science-fiction : c’est ce que nous vivons, c’est ce que je vis.

Les premiers soirs, je n’arrivais pas à dormir plus de deux ou trois heures par nuit. J’étais terrorisée, la peur hallucinante s’agrippait à moi. J’avais tellement peur de perdre, de perdre tout ce que j’avais. Je craignais surtout pour mes chiens. Que leur arriverait-il si j’étais malade, si on était malade tous les deux? J’avais peur de perdre les biens que j’ai acquis à force de travail, toute seule à besogner. J’avais peur que ça ne revienne jamais comme avant. J’avais peur de craquer, de ne pas être capable de ne pas savoir la suite des choses.

Et puis, j’ai commencé à comprendre. Je respirais mieux que je ne l’avais fait depuis trente ans avec mes allergies et mes rhinites. Je voyais des photos de villes et de paysages où la pollution avait presque disparue. J’observais le ciel bleu clair de jour et les étoiles briller la nuit. Et j’ai compris, intrinsèquement, que j’allais aussi mourir, aujourd’hui ou plus tard. Et, la peur s’est estompée. Je ne suis pas sereine, mais j’ai moins peur.

Je voyais bien que nos petits efforts individuels pour sauver la planète ne servaient pas à grand-chose. Je n’y croyais plus, je pensais que c’était foutu et qu’il n’y avait plus rien à faire.

Et la terre a mis le doigt sur Pause, et tout s’arrêta. En si peu de jours, la nature renaissait. Il y avait donc de l’espoir … pour la terre de pouvoir se régénérer.

Et alors, j’ai recommencé à avoir peur, à avoir peur que tout redevienne comme avant. Que tout recommence à mal aller parce que les hommes n’auront rien compris de la leçon.

Changer ses valeurs, comprendre qu’on n’a pas besoin de consommer autant, que c’est ridicule de … changer de cellulaire quand le dernier est encore fonctionnel, de modifier notre décor parce qu’il n’est plus « au goût du jour », d’aller « s’évacher » sur une plage pour bouffer du « tout inclus » en brûlant une tonne de carburant pour s’y rendre, de s’entasser dans un navire de croisière pour « … » …, de manger des bananes et des oranges en plein hiver dans les pays du nord, de croire que nous sommes le nombril de l’univers, nous les humains, et qu’on a qu’à se servir dans le « garde-manger ».

J’écris et je pense à « l’après » en me disant comment on va me juger : Je suis moraliste, je n’ai qu’à me regarder, je n’ai de leçon à donner à personne.

Et bien oui, je me regarde, et bien oui, il y a plein de choses que je vais changer. Non pas parce que j’étais si matérialiste et encore moins si riche, mais parce que je laissais faire. Comme lorsque l’on voit quelqu’un se faire intimider ou abuser et qu’on ne dit rien et qu’on n’intervient pas.

Je ne veux pas oublier, je ne veux pas revenir en arrière. Je sais que le confinement c’est dur, c’est surtout perdre sa liberté, comme si on était incarcéré. Mais je souhaite que ce soit suffisamment long et suffisamment difficile pour que je n’oublie pas, pour que personne n’oublie.

Ça nous ramène à la mort parce que ça nous oblige à prendre conscience qu’un jour il est trop tard et qu’on ne pourra plus faire les choses qu’on s’imaginait avoir tout le loisir et tout le temps de faire à notre convenance.

Si on arrêtait d’accumuler des biens, de l’argent, des réussites, des reconnaissances : que se passerait-t-il?

Si on cessait de croire que l’humain est le roi de l’humanité? Si l’humain cessait de se prendre pour un dieu et de vouloir refaire ce qui était déjà parfait? Peut-être qu’on aurait pu développer notre intelligence, nos capacités créatrices autrement qu’en détruisant et en soumettant?

Il serait sage de commencer à être vraiment DANS LE MOMENT PRÉSENT. Mais ce n’est possible que si on reste en lien avec le passé et le futur. Le passé, pour que l’on puisse apprendre de nos expériences et le futur pour ne pas oublier ceux qui s’en viennent.

Si on arrêtait de « perdre notre vie à la gagner ». Cultiver nos passions, partager, s’entraider avec empathie et compassion.

Est-ce utopique tout cela ou est-ce la SEULE façon de survivre pour l’humanité?

 

Petite réflexion 2

28 mars 2020

Pour les mesures de confinement/ Contre l’infantilisation

Je vous le déclare, depuis trois ans, depuis que j’ai eu soixante-cinq ans, je n’ai pas perdu ni ma tête, ni mes facultés de jugement, ni mon intelligence…. Et, non!

Attention : trouver un bouc émissaire pour atténuer les tensions est une tactique habituelle en cas de crise mais, je n’ai aucune envie d’en payer les frais.

S’en est assez de l’âgisme! Je n’ai aucunement besoin que Véronique Cloutier ou Yvon Deschamps viennent m’expliquer dans un message téléphonique enregistré, que je devrais « rester à la maison » et comment je dois me protéger du coronavirus. Je ne suis pas sénile, j’ai compris et je tiens à protéger ma santé et la vie des autres. Je ne suis pas non plus idiote : je vois des jeunes du collégial interviewés sur la suspension des cours, qui sont collés les uns sur les autres et tout près de l’intervieweur, je vois des gens marcher en groupe autour de chez moi, je vois de gars bricoler ensemble « pour passer le temps », je vois des « madames » aller prendre le café chez la voisine.

Je n’ai visiblement pas besoin de l’intervention paternaliste de cinquantenaires qui se croient meilleurs que tout le monde.

Oui, il y a des personnes âgées qui reviennent de la Floride, oui il y a des personnes « moins âgées » qui reviennent de voyage à l’étranger, oui il y a des jeunes qui font des fêtes, oui il y a des « adultes » qui organisent des rencontres familiales sous toutes sortes de prétextes. Oui, il y a des gens qui ne pensent pas au bien être des autres et qui voudraient éviter de se priver de quoi que ce soit en ce temps de crise. Ces gens-là continuent à sortir pour des futilités, ils s’échangent des bricoles sur les puces …. Ils n’ont aucune conscience sociale, ce sont de « petits rois », narcissiques.

Mais, je suis désolée, ce serait trop commode : ça n’a aucun rapport avec l’âge mais plutôt avec la mentalité et la conscientisation sociale.

 

Petite Réflexion 3

29 mars 2020

Je n’ai plus peur, tout à coup, la majorité du temps, je n’ai plus peur. Je lâche prise, oui, mais c’est plus que ça.

Il me semble que j’apprivoise … l’incertitude, l’inconnu, l’absence de contrôle. L’acceptation, simplement, de toutes les choses sur lesquelles je n’ai pas de pouvoir.

Je ne peux rien contre les imbéciles, je ne peux rien contre la fatalité mais je peux changer ma façon de percevoir et ma façon de réagir aux événements, malheureux ou pas.

C’est un cliché de dire qu’une nouvelle étape s’ouvre, que c’est aujourd’hui le premier jour de quelque chose de différent, mais pourquoi ne pas le croire et le faire, réellement?

Mais, parce que c’est faux, je ne suis pas si résiliente, pas encore, même si je le voudrais. Je suis dans l’entre-deux, avec des émotions en montagnes russes. Je ne peux plus accéder à mon Facebook et je capote. Ça ne prend pas grand-chose. Mon équilibre est bien fragile et l’irritabilité doit être mon affect principal en ce moment.

Quand je dis irritabilité, je minimise un peu. En fait, j’aurais envie d’étrangler tout ce qui bouge autour de moi … non, pas mes chiens, elles, elles sont gentilles et elles sont mon plus grand réconfort. Mais qu’est-ce qui continue à bouger autour de moi? Je vous laisse deviner.

Je suis irritée de la lenteur de ma connexion wifi, de la difficulté qu’ont les organismes et les individus à s’adapter à la télé consultation alors que je pense que ce serait nécessaire et de la décision inadéquate des gouvernements qui donnent des millions aux organismes communautaires (très utiles, par ailleurs) dans une circonstance exceptionnelle où ce doit être, à mon avis, des professionnels qualifiés et même spécialisés qui devraient intervenir auprès d’une population très à risque et particulièrement fragilisée. Je suis irritée surtout qu’on ne voit pas les choses comme moi, en fait!

Je ne comprends pas qu’on ne comprenne pas : ce qu’il faut prendre comme mesure, qu’il faut cesser de choisir commodément les « vieux » comme boucs-émissaires, que les partys, les réunions d’amis et familiales, que les échanges d’enfants en garde partagée (les jugements de la cour devraient être suivis en fonctions des ententes !!!), les achats et démarches non essentiels et les voyages inter-régions doivent cesser immédiatement et complètement.

Je ne comprends pas que la majorité des gens (je pense) n’ont hâte que de recommencer à consommer comme avant sans faire le lien entre nos habitudes de fou et la propagation du virus.

Je ne comprends pas qu’on ne comprenne pas qu’il faut changer collectivement et radicalement, je ne comprends pas qu’on continue à se préoccuper de notre coupe de cheveux, de l’absence des soins esthétiques, de la perte de la saison de hockey et même, de nos pertes financières.

Je ne comprends pas qu’on ne comprenne pas l’énormité de l’enjeu : il y va de la survie de l’espèce humaine sur cette magnifique planète qu’était la terre avant qu’on ne la massacre. Mais cette espèce (humaine), mérite-t-elle de survivre?

La futilité, l’égocentrisme, le manque de vision … Vraiment, je ne comprends pas.

 

Petite réflexion 4

30 mars 2020

Franchement, je vais mieux, beaucoup mieux. Je suis, certes, plus intolérante qu’avant aux comportements stupides mais, je crois que je vais le rester … intolérante. En fait, j’ai été beaucoup trop tolérante dans le passé.

Pour éviter quoi? Les remises en question, les ruptures, les conflits, j’ai souvent fait comme si je n’avais pas vu, comme si je n’avais pas compris.

Depuis peu, j’avais osé faire des mises au point avec des manipulateurs, évidemment. Et, évidemment, cela n’a rien donné que d’autres mensonges, encore et encore, des paroles vagues, des tentatives de fuite.

J’avais été habituée à ça depuis bien longtemps alors, sans m’en rendre compte, je savais ne pas réagir trop fort, j’aurais pu déranger.

Je me suis toujours dit que je faisais confiance aux gens, jusqu’à preuve du contraire et, je pense encore que ça peut être bien. C’est juste que je vais … vérifier si on me ment ou si on m’exploite, un peu plus tôt, disons.

Ça, c’est pour moi. En fait, je crois qu’en cette période particulière, il pourrait être temps de faire un vrai « ménage » dans notre vie, pas juste en nettoyant la maison…

Et cela, autant personnellement que socialement.

Quelles sont les valeurs, les attitudes, les comportements que nous avons adoptés et qui ne nous correspondent pas, ou qui nous nuisent et bloquent notre épanouissement?

Je voyais sur les réseaux sociaux, des personnes qui demandaient où aller pour se faire poser … des rallonges de cils??? Et, il y en a plein des histoires comme celle-là.

Pourquoi, simplement pourquoi? Pourquoi as-t-on tant besoin de conserver cette image de séduction, admettons-le, surtout pour les femmes? Pourquoi « tripper » sur les plus beaux « chars » que la majorité d’entre vous, les gars, n’avez absolument pas les moyens de vous procurer? C’est vrai, ce sont des propos stéréotypés et, surtout maintenant, on pourrait inverser les rôles mais, là n’est pas la question. C’est plutôt pourquoi cette importance à l’image, au pouvoir et à l’argent plutôt que de tenter de retrouver l’authenticité, le vrai moi, beaucoup plus compatible avec les valeurs reliées à une gestion saine de notre rapport à la nature, aux animaux, à la planète?

Il y a « très très longtemps, en un autre temps », quand j’étais étudiante au bac en histoire, je me demandais comment les premières tribus ont changé d’un mode d’organisation de collaboration, communautaire et généralement matriarcale, à une gestion plus hiérarchique, avec patrons/employés ou esclaves et création de l’argent comme objet d’échange. Les guerres auraient même apparu à ce moment-là!

En fait, pour faire une histoire courte : il « était une fois l’espèce humaine » ou bien un individu quelque part, qui eut donc l’idée d’accumuler des biens dont il n’avait pas immédiatement besoin, pour se donner un avantage en cas de pénurie, et pouvoir les négocier contre autre chose, des objets, de la monnaie ou, entre autres, le temps et le labeur d’une autre personne. De là aussi, l’idée de voler ou d’attaquer pour voler, les communautés qui avaient des biens que l’on pourrait éventuellement échanger.

Un cercle vicieux quoi, qui entraina le désir d’exploiter davantage la terre, de conserver des animaux « d’élevage », de ramasser des minerais plus que nécessaire afin de les utiliser pour assurer son pouvoir sur « son voisin », puis sur une autre nation. On finit même par inclure des personnes dans ce circuit comme objet que l’on pouvait vendre ou utiliser.

Je me dis que ça pourrait être une bonne idée de simplement se demander si, au moment où la Terre produit moins que ce dont les humains ont besoin pour se nourrir, seulement pour survivre, il ne serait pas temps de repenser notre organisation? C’est juste une idée comme ça. Peut-être que le choix organisationnel que l’on a fait ne fonctionne pas?

 

Petite réflexion 5

31 mars 2020

Cinq, sept, huit étapes du deuil ou plus, qu’importe. Je prends conscience que je suis en processus de deuil, le deuil de ma liberté mais surtout le deuil de mon ancien monde.

Difficile, très difficile. Sans aucun doute le deuil le plus difficile de ma vie non seulement pour moi personnellement mais aussi pour l’ensemble de la société et, cela rend la chose plus dure encore.

La seule analogie qui me revient en tête est, pour nous Québécois, c’est le déluge du Saguenay : non seulement des gens avaient perdu leur maison, leurs souvenirs mais aussi une partie de ce qui les entourait, leurs voisins, leurs paysages … ils étaient forcés de se rendre compte que, même s’ils se relevaient, rien ne serait plus comme avant. Mais, aussi dramatique que cela fut, ce n’était qu’à l’échelle d’une région. Maintenant, c’est à l’échelle du monde, de toutes les sociétés humaines. Nous sommes tous touchés quel que soit notre âge, notre société, notre fonction.

Il y a donc cet aspect commun à tous mais aussi particulier à chacun puisque nous le vivrons tous différemment.

Pour moi, passée la première étape du choc et du déni au début de la crise (cette phase fut très courte), il y a peut-être deux semaines maintenant, je suis passée par la suite, à l’étape de la douleur en constatant la réalité de la perte et son aspect irréversible. J’y ai vécu beaucoup d’ambivalences : tristesse, désir que tout redevienne comme avant, peur de perdre mes biens, mes acquis mais aussi constat des améliorations presqu’immédiates reliées au ralentissement de l’activité humaine comme la baisse du niveau de pollution, une amélioration de la qualité de l’air et de l’état de l’environnement en général.

Actuellement, j’entame la phase de la colère (impuissance et révolte contre une situation contre laquelle je ne peux rien) et je dois m’apaiser très souvent par la méditation, l’autohypnose, les techniques de relaxation, les marches, la zoothérapie et l’écriture afin de ne pas réagir négativement aux irritants qui m’entourent : mauvaises décisions de certaines autorités, dénis persistants de quelques-uns, provocations et sarcasmes pour d’autres, sans compter le silence « tapageur » de ceux qui ne se manifestent pas comme je pense qu’ils le devraient.

Durant cette phase, je deviens plus sensible. Pour moi, cela peut s’exprimer par une intolérance, entre autres, à l’imbécilité ou à l’incompétence, au mensonge, à l’hypocrisie.

On reste fidèle à soi, finalement, mais c’est comme si tout devenait exacerbé.

On a le choix, par ailleurs, de réagir avec plus ou moins de sagesse. Je veux dire qu’on reste totalement responsable de ses réactions et de ses actes. Rien ne justifie une réponse de violence et d’agression.

Quand on pose un geste, ce n’est jamais « la faute … de la situation exceptionnelle, de l’attitude des autres … ».

Il faut bien se rappeler que chacun va passer inexorablement par chacune des étapes du deuil : choc et déni; douleur devant la prise de conscience de la réalité de la perte; colère; marchandage, négociation; dépression, tristesse; reconstruction; acceptation et résilience. (NB les étapes peuvent différer légèrement selon les auteurs mais, le fond est le même).

On évolue donc, d’une étape à l’autre, en passant par le même chemin pour atteindre finalement une sorte d’apaisement.

Par ailleurs, le rythme est différent pour chacun et il est essentiel de respecter le nôtre.

On ne peut pas passer une étape au risque de régresser ou de bloquer à un stade.

Il n’y a pas de course là-dedans et on ne doit pas se juger sur la façon dont on réalise notre cheminement. Tout cela dépend de notre personnalité, de notre passé et de notre situation particulière au moment des événements.

 

Petite réflexion 6…

1er & 2 avril 2020

Pourquoi dit-on que tout le monde a tant de temps? Pourquoi moi j’étouffe encore dans le quotidien? Les tâches, les obligations, les choses que je voulais faire et que je ne peux toujours pas faire, parce que je manque de temps.

Pourtant, j’ai l’impression d’être bien organisée, je rencontre moins de clients que d’habitude même si c’est vrai que c’est bien plus fatiguant en télé consultation qu’en direct.

Malgré cela, je manque de temps … pour suivre les formations que j’aimerais, pour lire plein de livres, pour écouter des films, pour marcher, pour communiquer avec les gens qui me sont chers…

Pourquoi? Et, je me suis demandée si, inconsciemment, je ne remplissais pas les « vides » pour éviter de ressentir … le vide! Le « grand vide », celui qui fait qu’on craint de mettre un pas en avant pour ne pas tomber dans le précipice.

Peut-être que je tente de fuir l’ultime étape du deuil, la plus douloureuse en tout cas, qui est faite de peine et de regret?

En interrogeant les gens autour de moi, je me suis rendu compte que je n’étais pas la seule. Dans les faits, les gens s’agitent, s’inventent des occupations, même quand ils sont sans travail. Sommes-nous dans le « grand évitement »?

C’est vrai qu’il est normal que ces étapes du deuil se chevauchent, qu’elles nous amènent à retourner en arrière pour mieux avancer. Parce que la « vraie peur » n’est-elle pas celle de perdre : perdre le connu et le confortable, perdre ce que nous aimions et qui nous faisait plaisir, perdre nos points de repère et nos réconforts et même, perdre ce que nous n’aimions pas mais qui nous rassurait quand même?

En fait, l’inconnu est ce que nous redoutons le plus, même si ça peut paraitre attirant pour certains. L’inconnu c’est le risque, mais c’est aussi le défi, l’aventure, la découverte.

J’aime presqu’autant cette vieille société « de consommation » que je la déteste. J’ai participé à plusieurs de ses travers, j’ai acheté des vêtements bon marché fabriqués par des enfants dans des conditions inhumaines, j’ai consommé des produits exotiques, j’ai conduit des vus, j’ai changé mon cellulaire pour me procurer le dernier modèle et, même hier, ennuyée d’être enfermée, j’ai « brûlé de l’essence » juste pour faire un « tour d’auto », … et, je me sens coupable, responsable aussi d’avoir participé et profité de l’exploitation de la nature, des animaux, de d’autres êtres humains!

Il y a une sorte de marchandage à l’intérieur de moi, entre celle qui voudrait conserver ses privilèges et celle qui considère que c’est abominable.

Pourtant, la négociation ne fonctionne pas très longtemps … je sais bien et je sens bien qu’il n’y aura jamais qu’un choix possible, celui qui me ramène à la réalité, celle que je sais et celle que je choisis parce que raisonnablement, pour que nous survivions, il n’y en a pas d’autre. Il faut changer!

Notre illusion de sécurité et de permanence est ébranlée à tout jamais.

Il faut accepter qu’après ce choc traumatique, nous ne serons plus jamais les mêmes. Il y aura une coupure dans le temps, dans le cours de nos existences, bien plus importante que celle créée par le 11 septembre, possiblement plus importante encore que celle de la première et de la seconde guerre mondiale, parce qu’il n’y a, aujourd’hui, aucune zone à l’abri. Nous sommes tous touchés, partout sur la planète.

Résister à ce fait et agir comme si « ce n’était pas si grave » en attendant simplement que cela passe, en « comblant ce vide », ce trou dans le cours du temps, c’est s’exposer à des conséquences bien plus graves. C’est risquer les séquelles du stress post traumatique, c’est s’empêcher de grandir suite à cette expérience et ne pas connaitre l’état de résilience.

Toujours quand j’étudiais en histoire, je me posais cette question : si les gens avaient su combien de temps allait durer cette catastrophe, auraient-ils pu mieux la gérer?

Aujourd’hui, si on connaissait la durée du confinement et de la pandémie comme telle, saurions-nous mieux comment vivre?

 

Petite réflexion 7

2 avril 2020

Quand j’ai entendu « L’Amérique pleure » des Cowboys Fringants, il y a de cela plusieurs mois déjà, je me suis mise à pleurer. J’ai ressenti la détresse de toute une civilisation … j’exagère, à peine. Aujourd’hui leurs paroles prennent un tout autre sens.

Je l’ai écouté en boucle depuis quelques jours et j’ai encore pleuré … je me suis rendu compte que ça me faisait du bien!

En fait, ce que nous vivons, tous ces deuils, toutes ces pertes, ne peuvent pas nous laisser sans émotion, sans peine à vraie dire.

Un immense chagrin vécu collectivement et individuellement ne peut pas et ne doit pas être refoulé. Il est essentiel de l’exprimer, de le laisser sortir d’une façon ou d’une autre.

Écouter (ou faire) de la musique, pratiquer une autre forme d’art (peinture, écriture, sculpture, …), en parler aussi!

Et, je me rend compte que cela est très différent de l’impact anxiogène que peut avoir la sur information, comme le fait de suivre trop longtemps les chaines de télé ou les communiqués, vrais ou faux, publiés dans les réseaux sociaux.

Si le premier nous libère et nous permet d’avancer dans notre cheminement intérieur, le second soit nous paralyse dans la peur ou nous amène à une sur activité défensive et improductive.

 

Francine Guimond